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Communiqué

Requins : "La propagande mensongère de la planète surf péi"


Didier Dérand, porte-parole du collectif "Requins en Danger à la Réunion", s'insurge de "la propagande mensongère de la planète surf péi".

Par N.P - Publié le Lundi 31 Juillet 2023 à 14:32

Requins : "La propagande mensongère de la planète surf péi"
Le communiqué du collectif :

Depuis le début de la "crise requin" les surfeurs locaux, en pratiquants « adultes et responsables », n’ont eu de cesse de rendre les autres responsables de leurs déboires.

Cette fameuse crise, ce serait la faute – notamment - de la Réserve marine, réservoir à requins, des cages de l’élevage aquacole de la Baie de Saint-Paul qui auraient attiré les requins en jouant le rôle de DCP, de Kélonia qui a relâché trop de tortues marines dans la grande mer (c’est pas leur milieu de vie ?), des requins bouledogues « invasifs » qui auraient bouloté tous les requins de récif, (….), j’en passe et des meilleures.

Mais bien entendu jamais de la faute des surfeurs qui, en la matière, tout le monde le sait, ont toujours fait montre de la plus extrême prudence….

Certes la crise requin est terminée depuis 4 ans. Et ce n’est pas plus mal.

Néanmoins, après tout ce temps, et toutes ces polémiques, il me semble utile de remettre certaines pendules à l’heure.

S’agissant de la Réserve marine, cible historique des surfeurs et en particulier de leur gourou, le bien connu « élu-selfie », conseiller municipal de Saint-Paul et conseiller départemental, les surfeurs ont toujours affirmé que ladite réserve était LE principal responsable des accidents en concentrant les requins bouledogues à proximité des sites de baignade et de surf.

Nous nous sommes déjà intéressés à ce sujet, en réponse à une diatribe particulièrement tendancieuse d’un prétendu « collectif des familles de victimes d'attaques de requins à l'île de la Réunion » : https://www.zinfos974.com/Droit-de-reponse-La-Reserve-marine-n-est-pas-un-reservoir-a-requins%C2%A0_a185628.html

Je me contenterai donc de reprendre brièvement quelques vérités scientifiques.

En 2019, Soria et al.(1) publient une étude réfutant la responsabilité de la Réserve marine de la Réunion dans les accidents de requins avec les surfeurs. Leurs conclusions sont les suivantes :

« Une augmentation soudaine du taux d'attaques de requins sur des humains à l'île de la Réunion a été attribuée par certains à la mise en place d'une aire marine protégée (AMP) le long de la côte ouest de l'île, où les attaques, principalement par des requins bouledogues Carcharhinus leucas, étaient concentrées. Nous avons utilisé la télémétrie acoustique passive pour étudier la distribution spatiale des requins bouledogues (N = 36) en quantifiant leur résidence et leur fréquentation de l’AMP et en les comparant à l'extérieur de l’AMP. Pendant la durée de l'étude, soit 17 mois, 18 requins ont été détectés dans le réseau de récepteurs acoustiques, dont la plupart ont été détectés plus fréquemment à l'extérieur de l’AMP [….] qu'à l'intérieur [….]. Cependant, nous avons constaté des variations individuelles dans l'utilisation de l’AMP par les requins. Treize requins ont passé plus de temps à l'extérieur de l’AMP qu'à l'intérieur, tandis que 5 requins (tous des femelles) ont passé significativement plus de temps à l'intérieur de l’AMP. Ces résultats suggèrent que la distribution spatiale des requins bouledogues n'est pas principalement centrée dans l’AMP le long de la côte ouest de l'île de la Réunion, bien que nous ayons identifié des endroits spécifiques où les probabilités de rencontre avec les requins bouledogues sont relativement élevées pendant des périodes particulières de l'année. Ces zones à haut risque pourraient être ciblées dans le cadre de la stratégie de gestion du risque pour les changements dans les utilisations humaines afin de réduire les risques d'interactions négatives entre les requins et les humains observés au cours de la dernière décennie. »

« Dans la perspective de la mise en place d'une stratégie efficace d'alerte et de prévention à la Réunion, ce résultat suggère la nécessité de se concentrer davantage sur l'utilisation de l'habitat, les mouvements et la fidélité au site des requins que sur l'impact de l'AMP, qui n'est probablement pas la cause de l'augmentation des incidents. » (page 101)

Des conclusions vérifiées deux ans plus tard par une autre étude de Niella et al. (2021)(2) dont l’un des co-auteurs n’est autre pourtant que David Guyomard, à l’époque responsable scientifique du Centre Sécurité Requin et fervent partisan de la "chasse aux requins" :

« Depuis 2007, une grande partie des récifs frangeants de la côte ouest de l'île de la Réunion est protégée par une AMP. Nos résultats n'ont pas mis en évidence une plus grande utilisation de l’AMP par les requins ou les autres espèces d'élasmobranches, ce qui corrobore des recherches antérieures par télémétrie indiquant que les requins bouledogues passaient en fait plus de temps à l'extérieur de l’AMP qu'à l'intérieur (Soria et al. 2019). [….] Cela suggère également que cette petite AMP côtière, dédiée à la protection des écosystèmes de récifs coralliens, a des effets limités sur les grands requins prédateurs apicaux transitoires qui fréquentent de multiples écosystèmes côtiers et pélagiques (Roff et al. 2016).» (pages 13-14)

S’agissant maintenant de la prétendue responsabilité de l’élevage aquacole, c’est une autre étude scientifique, le rapport CHARC(3) (2015), qui vient la démonter :

« La suppression de l'activité aquacole, des poissons d'élevage en avril puis des cages en septembre 2013, n’a eu aucun effet sur le taux de fréquentation de ces requins [bouledogues] dans la baie, pas plus que l'expérience de pêche par "drumline" initiée en janvier 2013. L'effet des cages comme attracteur possible n'a pas été démontré. Reste l’effet lié à la seule présence des cages, qui aurait pu avoir un effet DCP et attirer du poisson fourrage (petits poissons). Cette hypothèse n’a pas été validée non plus : la suppression des cages en septembre 2013 n'a rien modifié au pattern saisonnier. De plus, l’étude qui a été menée pendant 5 ans, entre 2003 et 2008, dans la baie de Saint-Paul avait montré que les cages aquacoles agrégeaient beaucoup moins les petits poissons pélagiques ("pêche-cavale" et "bancloche") que les nombreux dispositifs de concentration de poissons (DCP-Récifs artificiels) déployés par les pêcheurs artisanaux dans l’ensemble de la baie (Potin, 2009). En conclusion, la présence des requins bouledogues dans la baie de Saint-Paul est régulière et ne semble pas dépendre de la présence des cages. » (page 48)

C’est pourtant clair, non ?

Mais attendez, ce n’est pas tout. Ils ont aussi accusé Kélonia parce que cet établissement a fini par relâcher en mer les quelques dizaines de tortues qui avaient survécu à l’élevage industriel de la sinistre Ferme Corail. Tout ça parce que les tortues marines sont parmi les proies favorites de certaines espèces de requins et que par conséquent - dixit nos surfeurs-je-sais-tout - ça aurait attiré les bouledogues à proximité des spots de surf de Saint-Leu.

Voici ce qu’en dit le rapport CHARC(3) :

« L’absence de tortues dans les estomacs de requin bouledogue ne soutient pas, pour le moment, l’hypothèse avancée par certains usagers de la mer d’une recrudescence de ces derniers près des côtes due à une augmentation significative des tortues dans les eaux côtières de La Réunion. » (page 79) « La distribution des valeurs de densité de tortues n'est pas la même autour des valeurs de détections de requins bouledogue. La relation n'est pas linéaire pour autant mais il y a une tendance qui se dessine : les plus fortes densités de tortues s'observent lorsqu'il n'y a aucune détection de requins. Inversement, les tortues sont davantage absentes (densité nulle) lorsque le nombre de détections de requins bouledogue est important. L'interprétation de ce résultat est que les tortues semblent éviter la présence des requins bouledogue mais que les requins ne sont pas davantage présents lorsque la densité des tortues est forte et donc qu'ils ne rechercheraient pas systématiquement ou ne seraient pas attirés par les zones de fortes densités en tortues. » (page 101)

Enfin, pour ce qui est de la prétendue responsabilité des requins bouledogues, grands méchants loups qui auraient dévoré tous les gentils requins de récif :

Mariani et al., (2021)(4) confirment effectivement la quasi-disparition de ces derniers :

« [….] notre analyse de l'ADN électronique met en évidence l'absence générale de requins typiques des récifs (par exemple, Triaenodon obesus, Carcharhinus melanopterus, C. amblyrhynchos, C. galapagensis), notamment en association avec les récifs coralliens de l'ouest de l'île. Ce résultat est cohérent avec les récentes études menées sur drumline (Guyomard et al., 2019), qui montrent que les requins de récifs typiques ne représentent que 7% des captures enregistrées, et parmi eux, la majorité sont des requins nourrices fauves (Nebrius ferrugineus). » (page 8)

Mais une étude récente de Jaquemet et al. (2023)(5) réfute catégoriquement la responsabilité des bouledogues, mettant l’accent en priorité sur la surpêche et, secondairement, sur la dégradation de l’environnement corallien :

« Les espèces associées aux récifs coralliens, telles que C. albimarginatus, C. amblyrhynchos, C. melanopterus, et T. obesus, étaient notablement absents des captures de la pêche récréative et du programme de contrôle des requins, en accord avec les observations faites dans la récente étude eDNA de la diversité des élasmobranches autour de l'île et en accord avec l'arrêté préfectoral protégeant ces espèces depuis 2015. La petite taille du récif corallien à La Réunion a probablement limité son abondance naturelle autour de l'île, conduisant à une vulnérabilité intrinsèque locale. Ce résultat indique que les populations d'espèces associées aux récifs coralliens ont fortement décliné en conséquence principale de la surpêche et secondaire de la dégradation de leur habitat, comme observé à l'échelle mondiale. L'isolement de l'île, combiné au petit domaine vital et à la grande fidélité à l'habitat récifal de ces espèces, limite les possibilités pour les individus extérieurs de reconstituer les populations perdues, ce qui explique la faible abondance des requins associés aux récifs coralliens au niveau local, alors que la pêche est interdite. » (page 13)

Ce sont donc essentiellement les pêcheurs locaux qui ont liquidé les populations de requins de récif. Mais il est évidemment plus facile d’accuser les bouledogues, la tête de turc par excellence !

Quant à affirmer que les requins bouledogues sont une espèce « invasive », c’est de la bêtise crasse. Sur quelles preuves scientifiques se basent nos surfeurs péi pour l’affirmer ?

S’il y a bien une espèce envahissante et destructrice de l’environnement, c’est l’homme, non ?!

Didier Dérand
Association VAGUES
Collectif "Requins en Danger à la Réunion"

 
(1) Soria M., Heithaus M., Blaison A., Crochelet E., Forget F. Chabanet P. (2019) - Residency and spatial distribution of bull sharks (Carcharhinus leucas) in and around Reunion Island MPA. Marine Ecology Progress Series. 630. DOI: https://doi.org/10.3354/meps13139
 
(2) Niella Y., Wiefels A., Almeida U., Jaquemet S., Lagabrielle E., Harcourt R., Peddemors V., Guyomard D. (2021) - Dynamics of marine predators off an oceanic island and implications for management of a preventative shark fishing program. Marine Biology, 168 (42). https://doi.org/10.1007/s00227-021-03852-9
 
(3) Soria M., Jaquemet S., Trystram C., Chabanet P., Bourjea J., et al. (2015) - Étude du comportement des requins bouledogues (Carcharhinus leucas) et tigres (Galeocerdo cuvier) à La Réunion. [Rapport de recherche] Programme CHARC. ⟨hal-01487167⟩ http://www.info-requin.re/rapport-scientifique-final-du-programme-charc-a454.html
 
(4) Mariani S., Fernandez C., Baillie C., Magalon H., Jaquemet S., 2021 - Shark and ray diversity, abundance and temporal variation around an Indian Ocean Island, inferred by eDNA metabarcoding. Conservation Science and Practice. 2021; 3:e407. https://doi.org/10.1111/csp2.407
 
(5) Jaquemet S., Oury N, Poirout T., Gadenne J., Magalon H., Gauthier A., 2023 - Elasmobranch Diversity at Reunion Island (Western Indian Ocean) and Catches by Recreational Fishers and a Shark Control Program. Diversity, 2023, 15, 768. https://doi.org/10.3390/d15060768
 



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